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Méthodologie des voies d’impact dans l’environnement alimentaire
Expériences de Tunis et du Cap
Auteur : Esther DIAZ PEREZ – CIRAD ; Contributeur : Antonina MUTORO – APHRC
Qu'est-ce que URBAL ?
URBAL (Urban Driven Innovations for Sustainable Food Systems) est une méthodologie qualitative et participative conçue pour identifier et cartographier les voies d’impact des innovations dans les systèmes alimentaires, en tenant compte des dimensions de durabilité des systèmes alimentaires (c’est-à-dire sociale, économique, environnementale, santé/nutrition et gouvernance). URBAL est basé sur la méthodologie participative utilisée pour construire des modèles de causalité de la malnutrition, afin de saisir la complexité de ses déterminants. Cette méthode permet de clarifier les étapes nécessaires pour atteindre l’objectif visé et de mettre en évidence les effets inattendus ou pervers des actions entreprises. Les résultats de ce processus devraient être utiles aux décideurs, aux chercheurs, aux praticiens et aux membres des communautés dans leurs efforts pour mettre en place des systèmes alimentaires durables.
La méthodologie URBAL a été testée en analysant 15 innovations alimentaires urbaines dans 9 pays à travers le monde et l’équipe du projet a élaboré des lignes directrices pratiques en libre accès (guide URBAL) qui comprennent des ressources pratiques pour appliquer la méthodologie et organiser une formation spécifique pour soutenir les praticiens désireux de l’utiliser.
La méthodologie URBAL est adaptable aux spécificités, besoins et objectifs des utilisateurs et des innovations. Ainsi, le diagramme des dimensions de durabilité URBAL n’est ni fixe ni prescriptif et peut être adapté, affiné ou édité en fonction du contexte de l’innovation et du déroulement du processus de cartographie d’impact (guide URBAL).
Un aspect clé du succès de l’utilisation de la méthodologie URBAL est que les participants au processus (généralement par le biais d’un atelier) sont diversifiés et représentent différents groupes qui seront affectés ou impliqués dans l’intervention étudiée. Un autre aspect clé est la sélection des activités de mise en œuvre à analyser au cours de l’atelier, qui doit être très spécifique et saisir la transformation ou le changement à apporter par les interventions.
En outre, le processus participatif URBAL peut également être utile pour identifier et sélectionner collectivement des indicateurs clés qui contribueront à l’évaluation des interventions étudiées, en ce qui concerne la durabilité du système alimentaire.
Même si la méthodologie URBAL a jusqu’à présent été spécifiquement testée dans des contextes ex post (c’est-à-dire pour analyser des interventions déjà mises en œuvre), elle est adaptable et peut être utilisée dans des contextes ex ante (c’est-à-dire avec des innovations encore au stade de la conception ou des premières phases de mise en œuvre), ce qui a été le cas pour les interventions du projet AfriFOODlinks.
Comment URBAL a-t-il été utilisé dans AfriFOODlinks ?
Le projet AfriFOODlinks vise à transformer les environnements alimentaires urbains en vue d’une plus grande durabilité grâce à la mise en œuvre d’expériences concrètes dans cinq villes pivots (Capetown, Kisumu, Mbale, Ouagadougou et Tunis). La méthodologie URBAL a été utilisée ex ante à Tunis et au Cap pour analyser les interventions prévues et construire collectivement des chemins d’impact, en rassemblant les changements attendus, les résultats et les impacts potentiels que les activités sélectionnées pourraient entraîner. Au cours du processus, les obstacles potentiels, les facilitateurs et les conditions de réussite ont également été identifiés. Les ateliers participatifs ont impliqué une diversité d’acteurs pertinents et ont été organisés avec le soutien technique de l’équipe URBAL du CIRAD.


Les Tunis a organisé l’atelier en septembre 2024 afin d’identifier les voies d’impact de deux interventions :
- Reformulation de la baguette de pain subventionnée afin de réduire la teneur en sel de 30 % et d’augmenter la teneur en protéines, en fibres et en nutriments, afin de promouvoir l’accès à une alimentation plus nutritive et plus saine pour tous.
- Mise en place d’un jardin potager communautaire pour que les utilisateurs cibles puissent disposer de légumes tout au long de l’année.
Le groupe travaillant sur la reformulation du pain (qui comprenait des fonctionnaires de la santé, du commerce, des meuniers, des boulangers, de la société civile et des universitaires) a analysé trois activités de mise en œuvre connexes : la réduction du sel, l’augmentation du taux d’extraction de la farine et la campagne de communication/sensibilisation. Trois tables ont été constituées, une par activité avec un animateur pour chacune d’entre elles, chargé de résumer les points clés issus des discussions. Les parties prenantes ont été divisées en trois groupes qui se sont relayés entre les trois tables afin de s’assurer qu’elles fournissaient un retour d’information spécifique pour chaque activité, ce qui a permis de cartographier les voies d’impact.
Le groupe travaillant sur le jardin communautaire Le groupe d’intervention (qui comprenait des fonctionnaires de l’agriculture, de la banque de gènes, de la société civile et du monde universitaire) a décidé de rester un groupe unique depuis le début et a analysé collectivement les deux activités sélectionnées, avec le soutien de deux facilitateurs : l’appui technique fourni par des experts en agroécologie et la définition collective des règles de fonctionnement du jardin. Une fois l’analyse des deux activités terminée, les chemins de l’impact résultant de la discussion ont été affichés et les participants ont été invités à revoir, repositionner certaines cartes, clarifier certaines relations de cause à effet et établir des liens.
Dans la ville de Le Capl’atelier a eu lieu en novembre 2024 et s’est concentré sur les interventions prévues à Langa auprès des les commerçants informels de viande grillée. Les parties prenantes (qui comprenaient des fonctionnaires de l’urbanisme, des déchets, de la santé et du développement économique, des négociants en viande et de la société civile) ont discuté de quatre activités de mise en œuvre sélectionnées : un système d’éclairage mobile pour les stands de nourriture utilisant des panneaux solaires ; des seaux pour l’élimination des déchets organiques ; l’alphabétisation financière pour formaliser les entreprises et le nettoyage du site Smiley (bois, cendres et déchets) et les installations de stockage du bois. Les participants ont été répartis en quatre groupes qui ont alterné entre les quatre activités (une table et un animateur par activité) et ont pu donner leur avis pour dessiner les chemins de l’impact.

Les résultats de ce processus consultatif, inhérent à la méthodologie URBAL, ont été jugés utiles pour les équipes des villes-centres d’AfriFOODlinks et ont permis une compréhension plus approfondie du contexte global des interventions. Les trois autres villes pivots (Kisumu, Mbale et Ouagadougou) étaient présentes lors de ces ateliers pour apprendre de manière pratique comment utiliser la méthodologie URBAL, et des plans sont en place pour organiser des ateliers URBAL dans ces villes ultérieurement. En outre, un webinaire URBAL sera organisé pour les dix villes africaines de partage d’AfriFOODlinks, afin qu’elles puissent utiliser la méthodologie pour analyser les voies d’impact de leurs projets pilotes.
Apprentissages :
La nature ex ante du processus pourrait être quelque peu contraignante pour les participants, en raison de la difficulté à projeter les changements et les impacts attendus des interventions à l’avenir ; mais des idées intéressantes ont tout de même été recueillies. La méthodologie URBAL :
- A facilité l’identification et l’analyse des obstacles (par exemple, l’instabilité politique, les relations de pouvoir), des effets négatifs (par exemple, une charge supplémentaire pour les négociants en viande, une concurrence accrue pour certains acteurs), des facilitateurs (par exemple, le soutien de la municipalité) et des conditions de réussite (par exemple, l’engagement et la mobilisation des utilisateurs) à un stade précoce, ce qui a permis de les intégrer dans la formulation des interventions ;
- L’équipe a eu l’occasion de définir et d’activer des solutions possibles aux obstacles et aux effets négatifs identifiés ;
- Amélioration des liens entre l’équipe du projet et les autres parties prenantes et entre les parties prenantes elles-mêmes, et facilitation de la mise en place de réseaux aux premiers stades de l’action ;
- Contribuer à une compréhension commune de l’intervention avec les parties prenantes concernées et créer un sentiment d’appartenance à l’égard de l’intervention et des activités connexes ;
- Création d’un espace de gouvernance où toutes les voix sont écoutées et prises en compte, et où les effets cachés ou les circonstances qui pourraient passer inaperçus sont mis en lumière (par exemple, les conflits d’intérêts) ;
- a permis d’identifier des indicateurs de réalisation (effets directs), de résultats (intermédiaires) ou d’impact (au-delà de la durée du projet), à l’appui du processus de suivi et d’évaluation qui rendra compte du processus de changement initié par les actions ;
- Permettre la capitalisation des impacts potentiels, négatifs et positifs des interventions.
Pour plus d’informations sur la méthodologie URBAL : https://www.urbalfood.org
Références
Intoppa B., Valette E. ; 2022, Approches collaboratives pour l’identification d’indicateurs d’évaluation à l’aide du cadre URBAL. Et alors ? Policy Brief nº 22. Chaire Unesco sur les systèmes alimentaires mondiaux.
Guide de l’urbanisme : https://urbal-sustainablefood.guide/